Pour une bio qui transforme le monde

Placer la bio au centre de la Stratégie Nationale pour l’Alimentation, la Nutrition et le Climat

La loi Climat et Résilience de 2021 a chargé le gouvernement de publier une Stratégie nationale pour l’alimentation, la nutrition et le climat (SNANC). Cette disposition résulte de la proposition de la Convention citoyenne pour le climat de mettre en place un « Programme national nutrition santé climat » afin d’intégrer les objectifs climatiques dans la politique de l’alimentation, en accord avec la Stratégie
nationale bas carbone.

Nous, acteurs de l’alimentation biologique, demandons une SNANC ambitieuse et transversale, établissant le cadre et fixant les objectifs d’une politique alimentaire à la hauteur des enjeux climatiques, de préservation de la biodiversité, de justice sociale et de santé publique.

Penser une gouvernance “intégrée” des systèmes alimentaires

Les politiques alimentaires actuelles sont empreintes d’une approche très agricole plaçant le ministère de l’agriculture en chef de file. Or, cette approche ne permet pas de rendre compte du caractère multidimensionnel de l’alimentation (ses répercussions sur la santé et l’environnement, ses racines sociales et culturelles) ni de définir une vision globale d’un système alimentaire durable.

La gouvernance est donc un chantier prioritaire de la politique de l’alimentation. La SNANC doit être le lieu d’intégration des politiques de santé, d’environnement, d’éducation et de solidarité, se traduisant par un pilotage interministériel cohérent de ces politiques publiques et par un suivi opérationnel des mesures et de la réalisation des objectifs annoncés.

● Proposition n°1 – Définir, dans la SNANC, une vision globale d’un système alimentaire durable et fixer des objectifs chiffrés et ambitieux d’évolution de la consommation et de la production à échéances précises (2030, 2040 et 2050), incluant l’évolution vers une consommation accrue de produits biologiques.

● Proposition n°2 – Faire primer la SNANC en tant que plan chapeau sur les autres programmes en lien avec l’alimentation (PNNS, PNA, PNSE…) et assurer un pilotage interministériel cohérent de ces politiques publiques.

Définir un comité de pilotage chargé du suivi de chacun des plans et déclinaisons opérationnelles de la SNANC et de la réalisation des objectifs annoncés.

Allouer des moyens humains et financiers suffisants pour atteindre ces objectifs et établir des indicateurs d’évaluation et de suivi transparents.

● Proposition n°3 – Inscrire dans la SNANC le principe d’une Stratégie Nationale pour l’Agriculture et l’Alimentation biologique co-pilotée par le Ministère de l’Agriculture, de la Santé, de la Transition Écologique, de l’Éducation et la solidarité. Cette stratégie remplacera l’actuel Plan Ambition bio qui ne dispose pas de moyens suffisants, ni d’objectifs ambitieux et dont la portée reste limitée du fait d’un pilotage assuré exclusivement par le MASA.

Sortir du postulat du consom’acteur et faciliter l’accès à l’alimentation biologique

Les politiques publiques de l’alimentation reposent actuellement sur une approche centrée sur la responsabilité individuelle du consommateur, se traduisant principalement par des mesures incitatives et éducatives. Ces mesures sont importantes, mais ne sont pas suffisantes pour engager une transition alimentaire à la hauteur des enjeux.

Le postulat selon lequel le consommateur responsable deviendrait acteur, voire moteur, de la transition alimentaire sous l’influence d’actions incitatives et informationnelles doit être remis en question. Selon l’IDDRI, « La littérature scientifique s’accorde sur le fait qu’une action publique limitée à l’information et à l’éducation a un effet limité voire nul sur les comportements alimentaires et que cette approche ne permet pas des changements sur le long terme ».

Dans les faits, nous constatons que la consommation de produits biologiques reste un marché de niche (6% des achats alimentaires) largement soumis aux aléas de l’inflation et qui ne permet pas à ce jour de répondre aux objectifs de développement de l’agriculture biologique français et européens.

De plus, faire reposer le poids de la transition sur l’individu crée un système alimentaire à deux vitesses, marqué par des inégalités entre ceux qui ont les moyens de changer leurs habitudes alimentaires et ceux qui ne le peuvent pas.

Par conséquent, nous considérons que le gouvernement doit agir de manière plus contraignante sur la disponibilité et l’accessibilité de cette offre.

● Proposition n° 4 : Accompagner et mieux former les acteurs de la restauration collective pour atteindre, dans les plus brefs délais, l’objectif de 20% de bio fixé par EGALIM et s’assurer de l’élargissement de cet objectif à l’ensemble de la restauration commerciale en 2024.

● Proposition n° 5 : Rendre contraignante la part de produits durables, dont bio, en grande distribution afin de soutenir l’offre et d’accélérer la transition. Commencer par mettre en place un observatoire du ratio de produits bio / conventionnels vendus en grande distribution et publier un reporting annuel. Aller vers des cibles contraignantes : 30% en 2030, pour les points de vente non spécialisés.

● Proposition n° 6 : Observer et mesurer et les marges pratiquées sur les produits biologiques afin de prévenir les pratiques abusives. Commencer par donner les moyens à l’OFPM d’accéder aux données et de publier une étude annuelle sur la construction du prix des produits bio au sein filières (agriculteurs, transformateurs et distributeurs) dès 2024. Intégrer le SYNABIO dans le comité national de suivi des négociations commerciales pour rendre compte des négociations annuelles en milieu spécialisé bio qui représente 30% des ventes de produits bio.

● Proposition n° 7 : Soutenir l’accès à une alimentation saine et durable via des « coups de pouce » au pouvoir d’achat sous forme de chèques verts ou de bonification des chèques déjeuners sous condition environnementale. A l’issue de la phase d’expérimentation prévue dans le cadre du plan “Mieux manger pour tous” piloté par le ministère des solidarités, généraliser à l’échelle nationale un chèque alimentaire durable, facile d’utilisation et encourageant par un système de bonification, les publics défavorisés à consommer des produits bio dans les grandes surfaces et les magasins spécialisés.

S’appuyer sur les labels publics vertueux pour construire les normes alimentaires de demain

Parmi les différents avis rendus dans le cadre de la SNANC, plusieurs propositions encouragent l’encadrement renforcé de la qualité de l’offre alimentaire. Cet encadrement pourrait s’appuyer sur des outils d’évaluation tels que le nutri-score et le futur affichage environnemental.

En tant qu’acteurs engagés de la transition alimentaire, nous sommes favorables à un rehaussement global de la qualité de l’offre alimentaire. Néanmoins, le Synabio souhaite que le secteur biologique soit associé à la conception des outils d’évaluation nutritionnel et environnemental afin de s’assurer qu’ils permettent de rendre compte et de valoriser les engagements de l’agriculture biologique.

Le développement des approches de “scoring” ne doit pas entrer en contradiction avec les labels publics de qualité mais au contraire valoriser les pratiques les plus vertueuses.

Dans le cas de l’affichage environnemental, la méthodologie de l’ACV ne permet pas de rendre compte de l’intégralité des externalités positives de l’agriculture biologique, notamment sur la biodiversité. Le travail de correction méthodologique en cours via Ecobalyse doit permettre de surmonter ces biais.

Dans le cas du nutri-score, la méthodologie proposée à ce jour, ne permet pas de rendre compte des engagements des transformateurs bio en termes d’ultra-transformation. Alors que les études scientifiques pointent de plus en plus l’impact de la surtransformation sur la santé humaine, le nutriscore ne doit pas se limiter à l’évaluation de la valeur nutritionnelle des produits.

Les méthodes de scoring représentent une nouvelle approche pour essayer d’orienter les consommateurs dans leurs choix alimentaires néanmoins leur pouvoir transformationnel sur l’industrie agro-alimentaire semble relativement limité, du fait d’un risque accru de contournement. Dans un objectif de transformation du système, il est indispensable que les politiques publiques continuent de soutenir des communautés d’acteurs qui partagent un référentiel commun et continuent de faire progresser les normes.

 Proposition n°4 : S’assurer que le futur affichage environnemental valorise tous les bénéfices de l’agriculture biologique.

 Proposition n° 5: S’assurer que l’évolution du nutriscore prenne en compte le degré d’ultra-transformation des produits et pas uniquement la dimension nutritionnelle

Renforcer la sensibilisation et l’éducation à l’alimentation biologique et à l’équilibre alimentaire

Bien qu’insuffisantes à elles seules, les mesures incitatives et éducatives sont indispensables pour accompagner les consommateurs dans la transition de leurs régimes alimentaires.

Selon un rapport2 du Sénat publié en 2022, le consommateur n’utilise en moyenne que 75 secondes pour raisonner son acte d’achat alimentaire. Un laps de temps qui semble très limité pour faire le tri entre le prix, les labels et plusieurs notes de nutri-score ou d’affichage environnemental. De plus, cette approche par le produit ne permet pas d’accompagner le consommateur vers un équilibre global de son alimentation tant d’un point de vue nutritionnel que environnemental.

La multiplication des informations produits doit donc s’accompagner d’un renforcement de l’information et de l’éducation à l’alimentation durable, dans laquelle l’agriculture biologique occupe une place centrale.

● Proposition n°6 : Amplifier les campagnes de communication, notamment sur l’agriculture biologique, et le déploiement des outils du PNNS, en augmentant les financements des ministères, de Santé publique France, des services déconcentrés de l’État, des collectivités territoriales et des associations.

● Proposition n°7 : Renforcer la place de l’alimentation saine et durable, et en priorité de l’alimentation biologique, dans les cursus scolaires et la formation des professionnels de santé et du secteur agricole.

● Proposition n°8 : Fournir les outils et les moyens économiques aux établissements scolaires pour transmettre les repères du PNNS et sensibiliser à l’alimentation saine et durable, et en priorité l’alimentation biologique.